vendredi 13 février 2015

Risote - Déclenchés // CAT Exhibition trailer from Controversy Paris on Vimeo.

texte par Vincent La Fuite Texte intégral en français:

La révolte des enfants gâtés

L’émotion de l’homme occidentalisé tient toute entière dans un spot publicitaire : une tête blonde (de préférence), une paire de seins ou un levier de vitesse. Répétition incessante d’images et de slogans apparemment innocents qui doivent nous inciter à prendre un crédit sur vingt ans pour acquérir un tas de parpaings au milieu d’un parking vaguement verdoyant.

Le stratagème violent de l’annonce se dissimule derrière un style de vie que nous croyons pouvoir choisir. L’arme de cette violence est la publicité. Omniprésente depuis l’élastique d’un slip jusqu’à la carlingue d’une fusée, elle est devenue notre but à tous : posséder un pourcentage grandissant de toute ces marchandises.

Les pays qui s’y refusent sont généreusement arrosés de missiles étiquetés UMPS, ONU, OTAN…D’autres marques qui ont le même but : coloniser ! C’est la force de vente au sens premier. Toute la planète est colonisée par cette consommation forcée. Toute ? Non, une poignée d’irréductibles résiste tant bien que mal à l’envahisseur. Ce sont les enfants du progrès forcé qui ont décidé de détourner les slogans qui les entourent à des fins existentielles et non commerciales. On aurait pu penser qu’il s’agissait pour eux d’apprendre leur leçon capitaliste. Mais non, ces plagiaires ne veulent rien vendre, rien entreprendre de rentable aux yeux de la société.

Ils se servent des codes les plus violents, les plus tapageurs pour devenir multiples et invisibles à la fois. Les points communs entre le marketing et le writing (appelons le comme ça pour éduquer les plus jeunes et satisfaire les vieux puristes) sont nombreux : stratégie des emplacements, sonorité et graphisme forts du mot choisi et répété, matraquage systématique, couleurs voyantes, anonymat de l’annonceur, et surtout cette même peur du vide…

Ce qui est reproché au tag est de pas être encadré, de ne pas respecter la propriété d’autrui mais sauf en de très rares cas, souvent dus à une farouche répression, le graffiti dénature le support qu’il s’est choisi. Le mur continue à tenir debout, le train transporte ses passagers…

La propriété est un concept récent de non partage lié à l’argent et au crédit qui ont dénaturé le don et l’échange. L’empreinte humaine individuelle qui ressort de ces signatures va à l’encontre du sabotage mental collectif et corporatiste des propagandes marchandes. La gratuité un peu folle de l’acte met en échec le calcul systématique de la fausse morale du libéralisme. Ce sont les armes du conquérant qui se retournent contre lui, ses techniques les plus aiguisées sont détournées pour créer une caricature saisissante de réalisme : aucune limite dans l’agression visuelle en milieu public.

Par contre le non-sens de ces inscriptions désamorce l’alarmisme constant des annonces mercantiles classiques. En effet la consommation de masse est essentiellement basée sur l’entretien des peurs : celle de manquer, celle de rater sa vie, celle de la différence, celle de n’avoir pas assez, celle du vol ou du terrorisme…

Le fait de contrôler son environnement grâce à de la peinture décorative démystifie ces peurs les unes après les autres. Là où il est sensé y avoir terrorisme on trouve de la créativité. Derrière cette création il devrait y avoir un produit à vendre mais on y trouve qu’un concept d’écriture pour l’écriture.

L’inoffensif contre l’intentionnel. L’impulsif contre contre le prémédité. Des outils de création contre des arsenaux médiatiques. La répression est totale : amendes, prisons, criminalisation de l’acte. Cette surenchère répressive ne fait qu’augmenter le déterminisme de ces écrivains libertaires : emploi de stratégies militaires, attaque picturale de trains en bande organisée, rayages, acide sur verre…et par-dessus tout récidive !

De ce fait le graffiti incarne le parfait reflet en négatif des intentions agressives du système boursier mondial et conquérant. Il est un consumérisme anarchiste qui attire instinctivement toutes les jeunesses fraichement basculées dans l’ère du commerce mondial.

Si l’on écoute ces signatures, on entend le rire et non les pleurs, la vie et non le mal être, le défi et non la soumission. Telles ont toujours été les armes du bouffon à la cour du seigneur. Le roi lui pardonne le temps du banquet et pend celui-ci en place publique quand survient la contestation légitime des masses exploitées.

LIBEREZ BORIS, TAGUEZ PARTOUT V. La Fuite / 1984 - juin 2014

Short video version:

Our emotions are embodied by a blonde head, a pair of breasts or a gear stick. The incessant repetition of apparent innocent images and slogans encourages us to take a bank loan over twenty years to acquire a pile of concrete blocks in the middle of a vaguely green parking.

The violent stratagem is hidden behind a lifestyle that we believe we can choose. The weapon of this violence is the advertising. Omnipresent from the elastic of the underwear to the hull of a rocket, it has become our common goal: owning a growing percentage of all the merchandise.

The whole planet is colonised. The whole? No, a handful of unconquerables resist with great difficulty to the invaders. These are the children of the forced progress who decide to divert the slogans which surround them for an existential purpose and not a commercial one.

We would have thought that it was for them to learn their capitalist lesson. But no, those plagiarists do not want to sell anything and they do not undertake anything profitable in the eyes of society.

The commonalities between marketing and graffiti writing are numerous: strategy of emplacement, strong resonance and graphics of the chosen word, systematic bombardment, anonymity of the advertiser, and predominantly the same fear of emptiness.

What is generally criticized with the tag is it does not have boundaries and it does not respect private or public property. But except in very rare cases, often due to the strong suppression, the graffiti does not denature the chosen media. The wall continues to stand and the train still transport its passengers ...

These are the weapons of the conqueror who turns against himself, his sharpest techniques are diverted to create a caricature of startling realism: no limit of the visual aggression in the public environment.

The mass consumption is mainly based on the maintenance of fears: the fear of failing in life, the fear of difference, the fear of not having enough, the fear of theft or of terrorism ...

Where we are suppose to find terrorism, we find creativity: the inoffensive against the intentional. The impulsive against the premeditated.

However the repression is total: penalties, prisons, criminalisation of the act. This repressive outbidding only increases the determination of these writers.

From this fact, graffiti embodies the exact negative reflection of the aggressive intentions of the worldwide conquering stock market. It is an anarchist consumerism which instinctively attracts all the youths freshly shifted in the age of global trade.

Such have always been the weapons of the jester at the court of the Lord. The king forgives his outrages at the time of the banquet but later hangs him at the public place when the legitimate contestation of the exploited masses occurs.

Vincent La Fuite/1984